Menuisier de métier, François Denayrou est un « vieil » ami du Gabion et surtout l’un des premiers formateurs en menuiserie-charpente. Personnage atypique, touche à tout érudit à la fibre artistique, il a vu l’association grandir et ses formations évoluer. De passage sur le site d’Embrun pour animer un module « charpente traditionnelle » avec la promotion OPRP, il nous parle de bois, des compagnons, du travail de restauration et aussi d’une véritable sensibilité pour le dessin sous toutes ses formes… ou presque. Rencontre.
Bonjour François, est-ce que tu peux te présenter brièvement ?
- Bien sur…. bien que j’ai survolé différentes disciplines, mon métier premier est la menuiserie. J’ai toujours été menuisier. J’ai fais mon tour de France à la fédération compagnonnique des métiers du bâtiment affilé à la S.C.M.S.D.D.D.L (société des Compagnons menuisiers et serruriers des devoirs de liberté)… Il y a un certain temps mais c’est encore très présent. L’on assimile trop souvent l’affaire compagnonnique à la performance professionnelle. C’est profondément réducteur et pour le reste, quand on l’aborde sous un autre angle elle est auréolé de mystère et de légende Salomoniennes. Il n’en est rien je vous l’assure ; comme le disait Vendôme la Clef des Cœurs « L’abeille construit en secret les chefs d’œuvre de son génie et de ses travaux l’œil indiscret n’en connait que la symétrie ».
Tu travailles à ton compte ? Sur quels types de chantiers ?
-
Aujourd’hui oui, mais j’ai majoritairement travaillé pour différentes entreprises. Cela fait 30 ans que je fais de la menuiserie principalement en restauration de patrimoine : des escaliers, des portes, du mobilier sur de vieux bâtiments, de vielles fermes…. J’ai eu la chance de réaliser un certain nombre de chantiers pour des monuments historiques en France et localement comme l’Abbaye de Boscodon ou le Fort de Mont-Dauphin. J’ai d’ailleurs mon atelier depuis peu dans l’enceinte du fort. Le premier chantier au sein du Gabion s’est déroulé aux mines d’argent du Fournel à l’Argentière-la-Bessée.
En fait, j’ai été très vite passionné par les réalisations mécaniques en bois, engrenages, porte à tambour et les chantiers se sont présentés comme par enchantement, moulins, machine à grain, tri de minerais de plomb argentifère, pont- levis de Mont-Dauphin, …
- Aujourd’hui oui, mais j’ai majoritairement travaillé pour différentes entreprises. Cela fait 30 ans que je fais de la menuiserie principalement en restauration de patrimoine : des escaliers, des portes, du mobilier sur de vieux bâtiments, de vielles fermes…. J’ai eu la chance de réaliser un certain nombre de chantiers pour des monuments historiques en France et localement comme l’Abbaye de Boscodon ou le Fort de Mont-Dauphin. J’ai d’ailleurs mon atelier depuis peu dans l’enceinte du fort. Le premier chantier au sein du Gabion s’est déroulé aux mines d’argent du Fournel à l’Argentière-la-Bessée. En fait, j’ai été très vite passionné par les réalisations mécaniques en bois, engrenages, porte à tambour et les chantiers se sont présentés comme par enchantement, moulins, machine à grain, tri de minerais de plomb argentifère, pont- levis de Mont-Dauphin, …



Qu’est ce qui te satisfait dans ce travail manuel finalement ?
- Difficile à analyser. Sortir la tête de l’ordi et de toucher la terre. Le bois du moins. Quand je m’égare, je reviens toujours au pied de l’établi !… à mon sens, ces disciplines me permettent de ne pas trop vivre sur mes acquis, de rester vivant en relevant des défis notamment, qu’ils soient techniques ou artistiques. Pour moi, c’est vraiment très important car cela participe à un renouvellement « intellectuel » qui m’aide à conserver un intérêt à faire les choses. L’homme pense parce qu’il a une main (ANAXAGORE 500 av. J.-C)
Et alors le Gabion et la formation, sont arrivés comment ?
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J’ai assez tôt ressenti l’envie de transmettre. C’est d’ailleurs une valeur importante au sein des Compagnons inscrit du reste au patrimoine immatériel de l’UNESCO au titre de « moyen unique de transmission ». J’ai passé un brevet de maîtrise entre Vesoul et Gap et en arrivant dans les Hautes-Alpes, j’ai tout de suite cherché à travailler dans la formation. C’est à ce moment que le Gabion est apparu et que j’ai fait la rencontre de Richard… en 1998 je crois.
Au début, le Gabion proposait un mix formation / insertion professionnelle sur 4 mois puis est arrivé la première formation d’ouvrier en restauration du Patrimoine. C’est à cette époque que j’ai passé une licence universitaire de formateur axée sur la pédagogie et l’apprentissage.


Quelles disciplines enseignes-tu pour la formation OPRP ?
- La menuiserie sur une initiation, la charpente et le dessin. En dessin, j’initie les étudiants au croquis à main levée, simple, côté, la perspective aussi. C’est une connaissance pratique essentielle entre acteurs du bâtiment et aussi pour la compréhension globale des liaisons entre matériaux.
Peux-tu nous dire ce que t’apporte le fait de former. Personnellement pourquoi tu t’y retrouves aussi ?
- Il y a plusieurs choses…. Bien sur le côté humain est très enrichissant et le retour des stagiaires est stimulant car en tant que formateur, on répond à un besoin d’apprendre (A prendre). Le travail de formateur consiste à satisfaire des curiosités et d’en maintenir l’enthousiasme. A mon sens l’enseignement est une des conditions à l’évolution humaine. Crescendo : Connaitre/ comprendre/ savoir appliquer/ savoir transmettre. L’évolution au sens large ou du moins donner des possibilités d’évolution dans ce vaste monde par la transmission de connaissances. Qu’importe lesquelles, l’homme est un animal grégaire dont l’intégration au monde passe par la reconnaissance de ses paires.
- Alors oui, pourquoi pas le bâtiment en commençant par un CAP. Ils sont un peu rustre certes mais loyaux et cœurs vaillant ! En tout état de cause, le besoin de reconnaissance nous saute aux yeux quand on travaille au Gabion avec le public en insertion auprès des plus démunis. Ils sont ponctuels et vous l’admettrez, de bonne composition pour travailler par moins 10 en plein hivers au pont neuf. Enfin, bref, enseigner permet d’énormément progresser dans sa pratique. En fait, on prend conscience des gestes, des techniques qu’on faisait naturellement jusqu’à l’ores. Enseigner c’est mettre le doigt sur ce qu’on appelle « la naturalisation des connaissances », le transformer en mots et en démystifier les secrets, les tours de main.
- J’avoue que le fait de venir former des élèves au Gabion me permet de côtoyer du monde, d’être dans le collectif et donc d’équilibrer en quelque sorte le penchant solitaire, individualiste du créateur. L’artisanat, le dessin sont des pratiques « solo » qui invitent à se maintenir dans une bulle, en immertion, imperturbable et peu enclin à la discussion, tout comme la musique que je pratique comme un autiste en évoluant sur le manche de ma Fender Télecaster à un tempo de 160 battement par minute et surtout à 250 décibels. L’acte de création est souvent un délire un peu égocentrique en fait et voir du monde ré-équilibre un peu tout ça ! La re- connaissance avant de devenir fou !
« L’homme pense parce qu’il a une main (ANAXAGORE 500 av. J.-C) »
Je reviens au dessin car je crois que c’est une de tes passions. Tu peux nous en dire un peu plus ?
- Bon, en premier lieu le dessin est une pratique indispensable, aux disciplines de ceux qui travaillent par enlèvement de matière ; les menuisiers, charpentiers, tailleurs de pierre… la conception est absolument primordiale dans ces jobs et donc le dessin un savoir–faire essentiel. En OPRP par exemple, j’enseigne de plus en plus le dessin en perspective car cela permet de mieux lire les assemblages comparativement aux traditionnels dessins en coupe que l’on apprend dans l’industrie ou l’artisanat. C’est un peu comme une photo avec la profondeur, les côtes et en plus, on peut dessiner à travers la matière, par transparence !



Tu as également une pratique loisir du dessin me semble-il ?
- Exact ! Je réalise diverses illustrations et aussi de la bande dessinée. Au-delà de la technicité, j’aime raconter des histoires et me confronter à l’écriture. C’est un tout autre travail, on créé des univers, des personnages….J’ai d’ailleurs envoyé des planches de Bédé pour participer au prochain concours du festival international de BD à Angoulême. A suivre…
