Pierre Duez, charpentier dans le Briançonnais, a encadré récemment un module charpente- ossature bois pour la formation OPEC d’Embrun. Présent sur le site du pont neuf, c’est également l’occasion d’un échange afin d’aborder différents sujets : le bâtiment, l’artisanat, le Gabion, la charpente, la transition écologique….Tour d’horizon.
Bonjour Pierre, peux-tu revenir sur ton parcours et le cheminement qui t’a amené à devenir charpentier ?
- Et bien, ça fait déjà 22 ans que je suis charpentier (rire)… J’ai appris la charpente aux Compagnons du Devoir pendant 8 ans à la suite de quoi j’ai rapidement été indépendant avant de créer une Scop, Les Mangeurs de Bois, il y a 5 ans. Une belle aventure, on réalise des constructions et des rénovations principalement sur le Briançonnais.
Vous êtes combien aujourd’hui aux Mangeurs de Bois ?
- Nous sommes 8 en tout dont deux créateurs. Deux autres personnes vont être associées prochainement. Nous avons un atelier à Villard Saint Pancrace. On fait tout, de la conception à la réalisation et je mets un point d’honneur à ce que celui qui a conçu, dessiné le projet soit là pour superviser le jour du levage et montage des structures. Pour moi, c’est essentiel.
Quelle est votre approche en termes de construction ? Quels types de chantier avez-vous ?
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On fait beaucoup de choses différentes mais il est clair qu’aujourd’hui, nous mettons en œuvre exclusivement des matériaux écologiques, voir biosourcés sur beaucoup de nos chantiers. Nous travaillons sur un mode constructif en collaboration avec la scop « Ecobati » qui se compose d’un poteaux-poutres et d’ossature bois, isolé par projection de chaux-chanvre sur des canisses. Les finitions des murs sont réalisées en enduit 2 couches (corps d’enduit – finitions). Les « Mangeurs » s’occupent de la partie structurelle des murs, planchers, la toiture au complet, la fourniture et pose de menuiseries performantes et « Ecobati » peut gérer les fondations, projections des murs, jusqu’à un niveau de finition assez poussé comme les enduits intérieurs.
Pour l’isolation des toitures, on travaille avec de la balle de riz (produit que j’apprécie vraiment), mais aussi la paille, la ouate de cellulose et évidemment la fibre de bois…
Les valeurs de ces matériaux en terme d’inertie, et donc de déphasage ne sont plus à prouver aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas si on parle de matériaux de type « laines minérales » et nous sommes également sur des paroies perspirantes, ce qui permet de gérer une partie de l’humidité de l’air juste par la conception du bâti.
« Les métiers manuels offrent un bel équilibre entre la tête et les mains »
Comment l’écologie, de manière générale et plus précisément dans la construction, est venue à toi ?
- En fait, ça a commencé assez tôt avec certains de mes formateurs aux Compagnons qui étaient déjà investis sur ces thèmes et puis au fur et à mesure des rencontres sur les chantiers, les clients très souvent. Et puis, j’avoue qu’on en avait marre de démonter des toits en laine de verre qui étaient minables au bout de 10 ans…
Quel est ton rapport à l’artisanat, au travail manuel, à la charpente ? Qu’est-ce qui te plait dans le fond à faire ça ?
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Personnellement, ce que je trouve génial avec nos métiers, c’est de pouvoir évoluer dehors, la variété dans le travail et la liberté de mouvement… Je trouve que les métiers manuels offrent un bel équilibre entre « la tête et les mains ». J’apprécie aussi énormément le partage qui nait de ces jobs : entre collègues, entre artisans, avec les clients… Il y a pas mal d’entraide en fait et ça c’est vraiment agréable.
Et puis… c’est un mode d’expression, ne l’oublions pas. Faire plaisir à un client est une réelle source de satisfaction.
Parlons un peu du Gabion. Comment s’est fait la rencontre avec l’association ?
- En fait, ça a démarré avec Laurent Limousin (responsable des formations au Gabion) sur un projet concernant les questions de phonique dans les bâtiments. Puis, on a reçu des élèves du Gabion en stage en entreprise aux Mangeurs de Bois. Après, j’ai participé à des corrections d’examens, de maquettes et des jurys pour les formations OPRP… C’est à ce moment-là que j’ai découvert le lieu et l’équipe qui anime l’assoc’. Et aujourd’hui, je termine ma première formation complète en tant qu’encadrant.
Ça te plait de former des personnes aujourd’hui ?
- Oui, beaucoup. En réalité, former des gens, partager mes connaissances me tient à cœur depuis longtemps car la transmission est une valeur fondamentale chez les Compagnons. Ça fait beaucoup de sens pour moi, de pouvoir y venir aujourd’hui…
Et ça s’est bien passé ?
- Super !! Franchement c’était bien et le groupe avait beaucoup d’envie et de motivation donc aucun problème.
Quelle évolution ? Tu vas vouloir continuer ?
- Oui, j’aimerais bien continuer à transmettre. J’aime beaucoup le lieu à Embrun, je considère que c’est un outil de travail incroyable ! La formule des formations du Gabion est très polyvalente, ce qui permet de déclencher des projets voir des vocations.
On parle beaucoup de transition énergétique aujourd’hui. Le bâtiment dans son ensemble va être largement concerné par ces questions. Quel est ton positionnement par rapport à ces questions ?
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Pour moi, c’est mille fois oui. Il faut foncer ! Chez nous, c’est une volonté. Ma maison est quasi autonome, isolée en balle de riz et paille… thermiquement, ça fonctionne hyper bien. En respectant quelques préceptes bioclimatiques comme favoriser les apports solaires et en soignant son isolation, on obtient facilement des maisons qui consomment peu. D’autres part avec des matériaux biosourcés et en faisant de la « récup », on diminue aussi les consommations d’énergie grise.
D’ailleurs, au sein des Mangeurs de Bois, on aimerait bien pouvoir réaliser des projets de plus grosses tailles en utilisant ces modes constructifs. C’est largement possible et finalement pas vraiment plus couteux.
Propos recueillis par Romain