Toutes les deux architectes, Alice et Maeva ont intégré la formation OPEC d’Embrun en novembre 2021 pour 11 mois d’enseignements sur les techniques et savoir-faire propre à l’Éco-construction. A quelques semaines de la fin de leur cursus, après de nombreux modules de cours et stages en entreprises, nous les retrouvons pour une interview croisée. L’occasion d’aborder ensemble leur vision du métier d’architecte, le développement durable dans le bâtiment et surtout leurs évolutions respectives après avoir suivis des enseignements techniques au Gabion.
Tour d’horizon !
Salut à toutes les deux, pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours professionnel avant de rejoindre le Gabion ?
- A : Je suis originaire d’Ariège et j’ai fait mes études « d’Archi » sur Montpellier. Diplômée en 2018, j’ai travaillé par la suite en agence d’architecte pendant 2 ans autour de Montpellier toujours.
- M : Je viens de Savoie et j’ai suivi une école d’archi sur Grenoble que j’ai conclu avec un master « architecture & cultures constructives ». Diplômée en 2013, j’ai eu mon habilitation* en 2014 puis j’ai travaillé en agence sur de la conception mais aussi des suivis de chantiers, ce qui m’a permis de gouter à plusieurs facettes du métier.
*hmo : L’habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMONP) est une formation qui permet aux candidats de s’orienter vers un parcours professionnel les menant à assumer les responsabilités de l’architecte en tant qu’auteur de son projet architectural.
Pourquoi avoir souhaité reprendre des études pratiques axées sur des savoir-faire manuels après une formation initiale telle qu’une école d’architecture ?
- M : Plusieurs choses m’ont amenée à postuler à une formation technique et pratique. Déjà je crois que je ressentais un manque de lien physique et manuel dans mon travail de conception et de dessin. Le suivis de chantier peut combler ça en partie car on touche à la réalité du chantier mais… la réalisation reste éloignée. D’autres part, j’ai vite ressenti un défaut de sens sur les chantiers que je suivais par rapport aux choix constructifs et écologiques. Il est difficile de trouver des entreprises pour mettre en pratique la conception bioclimatique avec des matériaux écologiques. Même à mon compte, sans un réseau spécifique à l’Éco-construction, ce n’était pas si simple… c’est là que j’ai souhaité rejoindre le Gabion.
- A : J’ai toujours eu l’artisanat en tête même avant de me lancer dans d’architecture. J’ai travaillé comme architecte directement après mes études mais je n’y ai pas trouvé mon compte car je ne faisais que du bureau, que de la conception et beaucoup de projets de bâtiments tertiaires, de magasins… ça ne me parlait pas au niveau des valeurs. J’avais pourtant ciblé les thématiques de conception bioclimatique pendant mes études. Lors de la deuxième année en agence, j’ai renoué avec les chantiers participatifs, j’avais envie de retrouver le côté bâtisseur. Ces chantiers offrent des expériences enrichissantes mais très inégales.
Pourquoi avoir opté pour les formations du Gabion et pas d’autres ?
- A : Il me fallait un cadre pro et j’ai été attiré par le côté pluridisciplinaire de la formation OPEC. Je voulais découvrir des choses différentes. De plus, la formation est qualifiante et permet de se mettre à son compte et ça, ce n’est pas rien !
A quelques semaines de la fin de la formation que pouvez-vous retirer de ces 11 mois ?
- A : Beaucoup de bien ! (rires). Etonnamment, ça m’a permis de clarifier beaucoup de notions que je n’avais pas forcément assimilé en école d’architecture. J’ai pu reposer certaines bases. C’est rassurant de pratiquer en étant encadrée par des professionnels au Gabion. Ça m’a confirmé que j’avais bien fait.
- M : Revoir des notions, remettre à jour certains concepts… cela m’a fait le plus grand bien. Tout ne m’a pas autant intéressé mais en réalité tout est bon à prendre en matière de bâtiment. On acquiert ici une culture générale de l’écoconstruction qui permet d’avoir une compréhension globale d’un bâtiment neuf. J’ai trouvé la formation au Gabion assez dense en matière de contenu, ce qui n’était pas pour me déplaire, et le fait d’avoir déjà un bagage en matière d’architecture avant était surement un atout pour faciliter l’apprentissage.
Quels sont les modules, les matières qui vous ont le plus interpelés ?
- A : Globalement la maçonnerie, la terre en structurelle et en finition. La couverture-zinguerie a été une belle découverte aussi mais la révélation fut le plâtre ! Je ne connaissais pas du tout… c’est presque un parent pauvre dans le bâtiment alors qu’il s’agit d’un matériau incroyable, peu cher et très vertueux…
- M : Je dirai que la maçonnerie, et particulière la terre, est ce qui m’a le plus conquis. J’aime beaucoup le second œuvre (les enduits de finition terre, plâtre et chaux), c’est un peu la finalisation d’un projet, c’est à la fois nostalgique et excitant. Cependant, j’ai aussi adoré le contact avec les matériaux biosourcés (balle de riz, paille, bois), la couverture (particulièrement la zinguerie), et finalement un peu tout…
Justement au sujet du contact avec les matériaux, quel rapport vous entretenez aujourd’hui avec le travail manuel ?
- A : C’est super important pour l’épanouissement personnel en fait ! Les réalisations manuelles apportent une satisfaction de soi-même que tu ne ressens pas dans la théorie car il demeure à mon avis un manque de rapport à la matière.
- M : J’en ai toujours eu besoin donc ce n’était pas une découverte au Gabion. Néanmoins, je me suis aperçu que j’aimais alterner : travail de bureau en conception, travail physique et créatif. J’ai découvert qu’il était extrêmement plaisant et très satisfaisant de dessiner puis produire… faire les deux donne énormément de sens aux choses. Et puis j’aime le travail en équipe avec les différents interlocuteurs d’un chantier où chacun apporte ses connaissances et savoirs-faires.
Et si on parlait de la suite ? Quels sont vos projets après cette « presqu’année » de formation ?
- A : Après l’OPEC, je pense terminer mon Hmo et prendre une expérience de suivis de chantier car je ne l’ai jamais fait. Histoire de boucler la réflexion. Après, je vais voir mais au moins j’aurais toutes les cartes en main et toujours la possibilité de basculer sur l’artisanat si j’en ai envie. Ça peut encore évoluer. Quoi qu’il arrive je veux garder un contact avec l’artisanat et cultiver sur l‘après Gabion. Je pense m’installer en Ardèche.
- M : Me concernant, j’aimerais m’installer dans les Hautes-Alpes avec à terme, le souhait d’évoluer sur une formule architecte-artisane. Dans un premier temps, j’aimerais reprendre un poste dans une agence d’architecture et/ou une entreprise du bâtiment puis doucement basculer à mon compte avec mes propres projets en réhabilitation. Je suis assez attirée par la collaboration avec d’autres architectes pour privilégier le travail d’équipe.
Pour conclure cet entretien, j’ai envie d‘aborder avec vous la place des femmes dans le secteur du bâtiment ?
- Les deux : Et bien, on vient de passer une année de formation en bâtiment au sein d’une promotion presque en parité homme-femme. Ça fait plaisir de voir ça ! On a le sentiment qu’au Gabion et peut-être même dans l’éco-construction en générale, on trouve un peu plus de femmes. Les discours changent un peu, ça évolue… Il faut que les structures, comme le Gabion, et artisans déjà en activités continuent de participer à l’évolution de cette place féminine dans ce monde professionnel et que les femmes intéressées n’aient pas peur de se lancer car c’est possible !
Propos recueillis par Romain